TIGRAY, YEAR ZERO

26 juillet 2023, Idaga Arbi, Éthiopie. Les Tigray Defence Forces (TDF) célèbrent la démobilisation de 50 000 soldats à travers toute la région du Tigré. Cette formation paramilitaire, branche armée du parti politique du Front de Libération du Peuple du Tigré (TPLF), a combattu l’armée fédérale éthiopienne et l’armée érythréenne pendant les deux ans de guerre. Sur la banderole où figurent des généraux et des politiciens tués pendant la guerre, on peut lire « Nos martyrs adorés, nous sommes fiers de votre sacrifice ! Vous êtes nos héros ! ».
26 juillet 2023, Idaga Arbi, Éthiopie. Des soldats des Tigray Defence Forces défilent dans la rue pour fêter la démobilisation de 50 000 soldats. Au commencement du conflit en novembre 2020, une grande partie de la jeunesse tigréenne s’est engagée dans les rangs des Tigray Defence Forces en réaction aux massacres perpétrés contre les civils. En 2020, le nombre de soldats des Tigray Defence Forces était estimé à 250 000 selon l’ONG International Crisis Group. Leur nombre à l’heure actuelle est inconnu.
16 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Abraham, 22 ans, tient dans sa main son pendentif représentant la région du Tigré. Ancien étudiant de chimie, il a rejoint les rangs des Tigray Defence Forces en novembre 2020 avec ses six frères et sœurs. Il explique : « Nous voulions la paix, mais lorsque nous avons été attaqués, nous n’avons pas eu d’autre alternative que celle de nous battre ».
30 juillet 2023, Mekele, Éthiopie. Un soldat assiste à la cérémonie de démobilisation des Tigray Defence Forces se déroulant dans le district de Mekele, la capitale administrative de la région du Tigré. Ce jour-là, environ 70 soldats de cette division sont démobilisés, pour 50 000 au total dans toute la région.
15 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Dans le camp pour personnes déplacées « Technic school », des scènes de guerre ont été dessinées sur les murs par les enfants. Tous les réfugiés de ce camp abritant environ 5000 personnes sont venus à pied de la ville d’Humera et ses environs pour échapper aux massacres perpétrés par la milice Fano (de l’ethnie Amhara) et l’armée érythréenne, alliés du Gouvernement éthiopien.
21 juillet 2023, Adoua, Éthiopie. Deux femmes réfugiées discutent derrière les barbelés délimitant le camp pour personnes déplacées « Industry Zone », où vivent environ 18 000 personnes. Tous les habitants du camp sont originaires de la zone de Tsegede, située dans le Tigré occidental. Ils sont arrivés dans la ville d’Adoua en novembre 2020 après plusieurs semaines de marche en étant poursuivis par la milice amhara Fano.
23 juillet 2023, Shire, Éthiopie. Vue d’ensemble du camp pour personnes déplacées « Freswat ». Les 18 camps de la ville de Shire abritent environ 300 000 personnes. C’est la ville la plus proche du Tigré occidental, alors toujours occupée par la milice amhara Fano. Une grande majorité des camps ne disposent ni de l’eau courante, ni de l’électricité.
24 juillet 2023, Shire, Éthiopie. Aleka Hamuru vit avec sa grand-mère (à gauche) dans le camp pour personnes déplacées « Tsegay » qui compte environ 38 000 habitants, tous originaires de différents villages du Tigré occidental. En juillet et août 2023, 15 personnes sont mortes au sein de ce camp à cause du manque de nourriture et de médicaments.
29 juillet 2023, Mekele, Éthiopie. La plupart des habitants des camps pour personnes déplacées passent leurs journées à mendier dans les quartiers riches des villes. Après les deux ans de guerre qui ont déchiré la région, une petite partie des habitants du Tigré a retrouvé un mode de vie aisé.
17 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Worknesh, 37 ans, revient à pied du centre-ville jusqu’au camp pour personnes déplacées « Preparatory school ». Elle rapporte des restes de nourriture récupérés dans plusieurs restaurants. Après la découverte d’un vaste détournement de l’aide alimentaire, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont décidé, le 9 juin 2023, de suspendre la distribution d’aide alimentaire en Éthiopie.
13 juillet 2023, Mekele, Éthiopie. Dans le camp pour personnes déplacées « Sebacare », Tadela, 45 ans, souffre de paralysie. Les soins qu’il devrait recevoir ne sont pas disponibles dans le camp en raison de la pénurie de médicaments qui sévit depuis la guerre.
22 juillet 2023, Aksoum, Éthiopie. Des enfants récitent la Bible dans l’école religieuse du camp pour personnes déplacées « Axum Secondary School ». On y enseigne gratuitement la religion chrétienne orthodoxe, majoritaire dans la région du Tigré, ainsi que la lecture et l’écriture pour les enfants de 4 à 12 ans habitant dans le camp.
21 juillet 2023, Aksoum, Éthiopie. Après avoir récupéré son quota de sacs de blé financés par la diaspora tigréenne, une famille part du camp pour personnes déplacées « Axum Secondary School » afin de rejoindre un autre camp dans la ville d’Aksoum.
21 juillet 2023, Aksoum, Éthiopie. Un des administrateurs du camp pour personnes déplacées « Axum Secondary School » procède à la distribution du blé financé par des membres de la diaspora tigréenne. L’aide alimentaire internationale étant suspendue depuis le 9 juin 2023 à cause d’un vaste scandale de détournement de nourriture, la diaspora tigréenne, qui réside principalement aux États-Unis, a effectué une collecte de fonds pour tenter de faire face à la situation alimentaire critique des réfugiés tigréens.
21 juillet 2023, Aksoum, Éthiopie. Une habitante du camp pour personnes déplacées « Axum Secondary School » remplit à l’aide de seaux les sacs de blé financés par la collecte de fonds de la diaspora tigréenne.
23 juillet 2023, Shire, Éthiopie. Dans un des 18 camps pour personnes déplacées de la ville de Shire, qui abritent environ 300 000 personnes au total, le prêtre orthodoxe Abokash bénit l’une des habitantes avant de partir avec son chameau dans les champs voisins pour effectuer des travaux agricoles.
17 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Partout dans le Tigré, les écoles ont été réquisitionnées pour accueillir les réfugiés, comme ici dans la « Preparatory School » ; ils viennent pour la plupart du Tigré occidental et des zones frontalières du Tigré. Selon l’Organisation Interne pour les Migrations (IOM), leur nombre s’élèverait à 950 000.
22 juillet 2023, Aksoum, Éthiopie. Zazao Tareka, 50 ans, prépare la « cérémonie du café » dans l’une des salles de classe de la « Kaleb School » devenue un camp pour les personnes déplacées. Lors du début de la guerre en novembre 2020, elle a abandonné sa vie d’agricultrice dans la région Tsegede, située dans le Tigré occidental, et a marché pendant trois semaines avec les 7000 personnes qui vivent dans le camp. De nombreuses personnes sont mortes pendant le voyage, attaquées par les drones du Gouvernement fédéral éthiopien.
15 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Dans le camp de personnes déplacées « Technic School » patientent Zafou (à gauche) et Mizan Gorhot. Ces deux sœurs étaient agricultrices avant la guerre dans la région d’Humera, située dans le Tigré occidental, avant de fuir la région à pied en novembre 2020. Elles ont chacune quatre enfants, avec qui elles dorment dans cette pièce en compagnie de leurs maris respectifs.
17 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Au sein du camp pour personnes déplacées « Preparatory School », sur un sac de blé vide distribué par l’USAID, moisissent quelques morceaux d’injera (crêpe) récoltés dans les restaurants du centre-ville par Gaurazihar Gebru, 79 ans. Depuis le 9 juin 2023, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) ont interrompu leurs distributions de nourriture en raison d’un vaste scandale de détournement.
24 juillet 2023, Shire. Dans le camp pour personnes déplacées « Tsegay », Tabere, 50 ans, et sa fille Mekerti, 17 ans, ont toutes les deux été violées au début de la guerre par trois soldats de la milice amhara. Mekerti, tombée enceinte, a perdu la raison suite à ce traumatisme. C’est sa mère qui s’occupe d’elle et de son enfant.
19 juillet 2023, Adoua, Éthiopie. Depuis le début de la guerre, les écoles comme les universités sont restées fermées. Dans la ville d’Adoua, l’ONG Don Bosco dispense des cours gratuits pour un millier d’enfants, en priorité ceux vivant dans des camps pour personnes déplacées. Le matin, de nombreux enfants attendent au portail dans l’espoir qu’une place se libère.
19 juillet 2023, Adoua, Éthiopie. Dans le centre géré par l’ONG Don Bosco, une soupe gratuite est servie quotidiennement pour les femmes enceintes, ainsi que pour les enfants souffrant de malnutrition et leur mère. À cette date, Don Bosco était la seule ONG à effectuer des distributions de nourriture dans la ville d’Adoua.
19 juillet 2023, Adoua, Éthiopie. Berihu Tahame, 43 ans, marche dans les bureaux de l’usine de textile désaffectée Almeda. Il y travaillait comme garde avant qu’elle ne soit occupée par les forces érythréennes en novembre 2020, qui y établirent leur campement pour quelques mois avant de la piller et de la détruire en janvier 2021. Berihu Tahame ainsi que les 5600 salariés de l’usine sont alors partis se réfugier dans les montagnes autour de la ville.
16 juillet 2023, Yechila, Éthiopie. Entre le 17 et 19 juin 2021, le Front de Libération du Peuple du Tigré (TPLF) attaqua l’armée fédérale éthiopienne dans la zone du village de Yechila. Cet affrontement, qui fut un des plus meurtriers de la guerre, fut remporté par le TPLF, qui reprit ensuite la capitale de la région Mekele, le 28 juin 2021. Une partie des habitations du village de Yechila furent détruites pendant le conflit, puis pillées.
1er août 2023, Mekele, Éthiopie. Hagos Alena (le nom a été modifié), 38 ans, travaille en tant qu’expert en communication au sein de l’administration régionale intérimaire du Tigré. Il gère la collecte et la préservation des archives photographiques et vidéographiques en lien avec la guerre du Tigré.
16 juillet 2023, Yechila, Éthiopie. Des enfants ramassent au sol le métal des engins de guerre détruits pour le revendre ensuite au poids. La bataille de Yechila, une des plus importantes de la guerre du Tigré, eut lieu entre le 17 et le 19 juin 2021. La victoire des Tigray Defence Forces sur l’armée fédérale éthiopienne fut décisive, et leur permit de libérer la ville de Mekele des troupes ennemies neuf jours plus tard.
16 juillet 2023, Yechila, Éthiopie. Un enfant habitant le village de Yechila, situé à quelques centaines de mètres, pose sur le champ de bataille qui opposa le Front de Libération du Peuple du Tigré (TPLF) à l’armée fédérale éthiopienne entre le 17 et le 19 juin 2021. Derrière lui, un groupe d’enfants ramasse au sol les métaux des engins de guerre détruits pour les revendre au poids.
22 juillet 2023, Aksoum, Éthiopie. Les 28 et 29 novembre 2020, l’armée érythréenne tua plus de 800 personnes dans la ville d’Aksoum. Environ 400 d’entre elles furent enterrées dans les fosses communes de l’Église Arba Ata Ensesa.
22 juillet 2023, Aksoum, Éthiopie. Le prêtre Abuk Kashi Teshala, 40 ans, s’est caché pendant trois jours dans les souterrains de l’église Saint Michael avec plus de 1000 personnes, ne disposant ni d’eau ni de nourriture. Il a ainsi échappé au massacre perpétré par l’armée érythréenne les 28 et 29 novembre 2020, qui fit environ 800 victimes. Derrière-lui, sur un mur de l’église, on distingue des impacts de balles.
1er août 2023, Mekele, Éthiopie. Des patients attendent dans la cour de l’Hôpital militaire Awash, le plus grand des cinq hôpitaux militaires de Mekele, où vivent 700 blessés de guerre des Tigray Defence Forces. Le docteur Abraham, directeur médical de l’établissement, explique : « Nous travaillons tous gratuitement depuis presque trois ans. Tout le personnel est épuisé, et beaucoup quittent leur poste ».
17 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Brikti, 36 ans, infirmière à Hôpital général Hafeshawi, procède à une injection de solution nutritive pour Hagos, réfugié de 62 ans originaire de la ville d’Humera, dans le Tigré occidental. Il témoigne : « Les soldats amharas m’ont emprisonné pendant un mois quand je suis arrivé à Abiy Addi. À présent, ma femme, mes six enfants et moi sommes en train de mourir de faim ».
17 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Brikti, 36 ans, travaille comme infirmière à l’Hôpital général Hafeshawi. Pendant toute la durée de la guerre, son salaire, comme celui de tous les fonctionnaires au Tigré, a été « gelé ». Cela ne fait que quatre mois qu’elle reçoit à nouveau son salaire mensuel de 9000 birrs par mois (environ 150 euros). Elle porte une blouse laissée par les infirmiers de l’armée du Gouvernement fédéral éthiopien, qui ont occupé l’hôpital entre octobre 2021 et février 2022.
29 juillet 2023, Mekele, Éthiopie. Soigné à l’Hôpital général Ayder, Kahasa, 21 ans, était agriculteur près de la ville de Seraro avant de s’engager dans les Tigray Defence Forces au début de la guerre pour défendre sa région. Il a été grièvement blessé par un tir de mortier.
29 juillet 2023, Mekele, Éthiopie. Abrahat Adgay, 28 ans, accompagne son fils, Tsege Chichay, 10 ans, lors de sa prise en charge par l’Hôpital général Ayder. Ne pesant que 10 kilos, il souffre de malnutrition. Ensemble, avec le père et deux autres enfants, ils ont fui la guerre pour se réfugier dans les montagnes autour de la ville de Shire. Anciens fermiers, ils n’ont pas pu cultiver leurs terres pendant toute la durée du conflit.
29 juillet 2023, Mekele, Éthiopie. Ebuy Gidana, 18 ans, était étudiant quand la guerre a éclaté en novembre 2020. Il s’est rapidement engagé dans les troupes des Tigray Defence Forces et a été grièvement blessé par un tir de sniper à la tête lors d’un combat avec l’armée fédérale éthiopienne dans la ville de Gashana. Il est soigné depuis maintenant deux ans à l’Hôpital général Ayder.
29 juillet 2023, Mekele, Éthiopie. Zemeo, 40 ans, est arrivée le jour-même à l’Hôpital général Ayder depuis la ville de Wukro pour y amener son fils de deux ans et trois mois, Addis Alem, qui a la jambe cassée. Ayant souffert de malnutrition pendant sa grossesse, elle n’a pas pu allaiter suffisamment son enfant à sa naissance, qui aujourd’hui souffre à son tour de malnutrition.
17 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Au dispensaire de l’hôpital général Hafeshawi, une pharmacienne reçoit l’ordonnance d’un patient. Elle explique : « Nous ne recevons plus aucune aide des ONG depuis six mois. Il manque un grand nombre de médicaments, en particulier ceux pour l’hypertension, ainsi que l’insuline, l’ibuprofène et le paracétamol. Nous sommes obligés de donner des médicaments périmés aux patients, et ne pouvons leur fournir ni nourriture, ni vêtements et draps propres. Où est la communauté internationale ? Le monde nous a oublié ».
17 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Deux femmes réfugiées originaire de la ville d’Humera, dans le Tigré occidental, reviennent au camp pour personnes déplacées « Preparatory school » après avoir travaillé dans les champs à proximité. Avant la guerre, la plupart des habitants du Tigré occidental vivaient de l’agriculture. N’étant pas propriétaires des terres qu’ils cultivent, ils sont à présent engagés en tant qu’ouvriers agricoles.
27 juillet 2023, massif de Gheralta, Éthiopie. Reybey (à droite), et sa sœur Froweni aident leurs parents à planter les graines de teff pendant la saison de plantation qui se déroule chaque année en juin et juillet. Leur mère, Leter Kidam, explique : « Nous n’avons pas l’argent pour acheter suffisamment d’engrais, et les récoltes de cette année seront sûrement mauvaises. Nous sommes déjà affamés. »
27 juillet 2023, massif de Gheralta, Éthiopie. Ficray Abra et sa femme Kidan labourent leur lopin de terre. « Les pluies sont faibles cette année, et nous avons beaucoup moins d’engrais que l’année passée. La récolte du teff, à partir de septembre, s’annonce mauvaise. Mais ce sera toujours mieux qu’en 2021. Cette année-là, nous n’avions pas pu cultiver nos terres à cause de la guerre », rapportent-ils.
17 juillet 2023, Abiy Addi, Éthiopie. Un habitant laboure son champ sur lequel il cultive du teff, la céréale la plus consommée en Éthiopie. Pendant toute la durée de la guerre, il est allé se réfugier dans les montagnes aux alentours et n’a pas pu cultiver ses terres. La charrue qu’il avait laissé sur place a été détruite par l’armée fédérale éthiopienne.
27 juillet 2023, Koraro, Éthiopie. Une villageoise amène du teff dans un atelier de transformation pour en faire de la farine. Par rapport à l’année 2020, le prix de la farine de teff, base de l’alimentation des tigréens, a été multiplié par trois.
27 juillet 2023, Koraro, Éthiopie. Une villageoise décharge les sacs de teff qu’elle a apporté dans un atelier de transformation pour en faire de la farine. Ces denrées, provenant de sa récolte de l’année 2022, sont destinées à sa propre consommation alimentaire et à celle de sa famille.
27 juillet 2023, Megab, Éthiopie. Dans un petit atelier, des ouvriers agricoles vannent les grains de maïs pour les séparer de leur enveloppe. Dans le massif de Gheralta, beaucoup de paysans ne mangent pas à leur faim en raison de la hausse des prix de l’alimentation, et des récoltes agricoles de ces dernières années trop faibles, voire inexistantes.
27 juillet 2023, Hawzen, Éthiopie. Un paysan nettoie des pois chiches sur le marché de la ville d’Hawzen. Faisant partie des aliments de base consommés par les Tigréens, notamment dans le plat typique shiro, le prix des pois chiches a été multiplié par six en trois ans.
27 juillet 2023, Megab, Éthiopie. Dans un petit atelier agricole, des ouvriers placent du maïs préalablement nettoyé dans un broyeur à grains pour en faire de la farine. Les paysans des environs viennent pour y faire broyer leurs céréales, et paient au kilo.
25 juillet 2023, Idaga Arbi, Éthiopie. Les moines orthodoxes Abate Kiros, 60 ans (à gauche), et Aba Gebrekiran Gebremaska, 68 ans, montent vers le monastère Indaba Tsahma dans lequel ils vivent, surplombant la petite ville d’Idaga Arbi. En novembre 2020, ils trouvèrent sur ce chemin le moine Aba Tesfay, assassiné par l’armée fédérale éthiopienne, qu’ils portèrent jusqu’au monastère pour l’enterrer.
28 juillet 2023, Koraro, Éthiopie. Dans l’église orthodoxe d’Abuna Yemata, recouverte de fresques datant du XVème siècle, le prêtre Keshi Detacho se recueille. Pendant la guerre, 19 habitants du village de Koraro, situé au pied de l’église, furent tués par l’armée fédérale éthiopienne.
21 juillet 2023, Adoua, Éthiopie. Au lever de soleil, une famille prie lors de la célébration en l’honneur du saint Abuna Aregawi. Les 7 millions de Tigréens, à 96 % chrétiens orthodoxes, n’avaient pas pu célébrer la plupart des fêtes religieuses durant les deux ans de guerre qui ébranlèrent la région.
21 juillet 2023, Adoua, Éthiopie. Alors que percent les premiers rayons du soleil, des milliers de fidèles sont réunis pour la célébration en l’honneur d’Abuna Aregawi, un des neufs saints fondateurs de l’Église orthodoxe éthiopienne. Derrière l’église Abuna Aregawi, une nouvelle église éponyme est en construction.

ENGLISH :

On November 3, 2020, Ethiopian Prime Minister Abiy Ahmed, 2019 Nobel Peace Prize winner, declared war on the Tigray region due to the decision of the Tigray People’s Liberation Front (TPLF) to hold its own elections. For two years, this region of seven million inhabitants in the north of the country is cut off from the world: internet and telephone communications are suspended, journalists are banned.

On November 2, 2022, the Pretoria Peace Agreement was signed, ending two years of bloody war between the Ethiopian government, an ally of Eritrea, and the paramilitaries of the Tigray Defence Forces (TDF). Ethiopian and Eritrean forces are accused by the UN and several NGOs of committing numerous crimes against humanity: mass killings of civilians and widespread gang rape. The conflict, which would have killed 600,000 people, according to the African Union, would be the deadliest in the 21st century.

While a year has passed since this «peace», the situation is not settled: it is estimated that about 1 million refugees are waiting to return to their region of origin. Most are from the Western Tigray, which is still occupied by the nationalist Fano militia of the Amhara ethnic group that allied with the Ethiopian government during the war. Despite the peace agreement that provides for a return to the pre-war regional borders, the militia does not seem ready to pack up luggage of this historically coveted area. In April 2023, refusing to surrender its weapons to its former allies, it engaged in armed conflict against the Ethiopian Federal Government, plunging the country again into political instability.

On June 9, 2023, a massive diversion scandal prompted the United States Agency for International Development (USAID) and the World Food Programme (WFP) to suspend food aid to Ethiopia. Similarly, the shortage of fertilizer combined with the fact that many farmers were unable to cultivate their land during the war severely affected agricultural crops. At present, while the people of Tigray are still reeling from the trauma they suffered during the war, the food and health situation in the region is critical, especially in the camps for displaced people. Hospitals are under-resourced and facing drug shortages, while schools have been reopening in dribs and drabs since September 2023.

Since the end of the war, Prime Minister Abiy Ahmed has always been hostile to the establishment of an independent international investigation. On 4 October 2023, the UN expert mission set up to investigate the crimes committed in Tigray was suspended, thus reinforcing the impunity of the Ethiopian Government in this conflict that took place far from the eyes, and seems already forgotten by the international community despite its size.

To watch the full report, go here on the website of the Zeppelin agency.

FRANÇAIS :

TIGRÉ, ANNÉE ZÉRO

Le 3 novembre 2020, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix en 2019, déclare la guerre à la région du Tigré en raison de la décision du Front de Libération du Peuple du Tigré (TPLF) d’organiser ses propres élections. Pendant deux ans, cette région de sept millions d’habitants située dans le Nord du pays est coupée du monde : les communications internet et téléphoniques sont suspendues, les journalistes interdits.
 

Le 2 novembre 2022 est signé l’accord de paix de Pretoria, mettant fin à deux ans de guerre sanglante entre le Gouvernement éthiopien, allié à l’Érythrée, et les paramilitaires des Tigray Defence Forces (TDF). Les forces éthiopiennes et érythréennes sont accusées par l’ONU et plusieurs ONG d’avoir commis de nombreux crimes contre l’humanité : massacres de masse de civils et viols collectifs généralisés. Le conflit, qui aurait fait 600 000 morts, selon l’Union Africaine, serait le plus meurtrier du XXIème siècle.

Alors qu’une année s’est écoulée depuis cette « paix » , la situation n’est pas réglée pour autant : on estime à environ 1 million le nombre de réfugiés en attente d’un retour vers leur région d’origine. La plupart sont issus du Tigré occidental, à l’heure actuelle toujours occupé par la milice nationaliste Fano de l’ethnie Amhara qui s’est alliée au Gouvernement éthiopien pendant la guerre. Malgré l’accord de paix qui prévoit un retour aux frontières régionales d’avant-guerre, la milice ne semble pas prête à plier bagage de cette zone historiquement convoitée. En avril 2023, refusant de rendre ses armes à ses anciens alliés, elle s’est engagée dans un conflit armé contre le Gouvernement fédéral éthiopien, plongeant à nouveau le pays dans l’instabilité politique.

 
Le 9 juin 2023, un vaste scandale de détournement a poussé l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et le Programme alimentaire mondial (PAM) à suspendre l’aide alimentaire en Éthiopie. De-même, la pénurie d’engrais combinée au fait que de nombreux paysans n’ont pas pu cultiver leurs terres pendant la guerre ont gravement affecté les récoltes agricoles. À l’heure actuelle, alors que les habitants du Tigré sont toujours sous le choc des traumatismes qu’ils ont subi pendant la guerre, la situation alimentaire comme sanitaire de la région est critique, en particulier dans les camps pour personnes déplacées. Les hôpitaux manquent de moyens et font face à des pénuries de médicaments, tandis que les écoles ne rouvrent qu’au compte-goutte depuis septembre 2023.
 

Depuis la fin de la guerre, le Premier ministre Abiy Ahmed s’est toujours montré hostile à la mise en place d’une enquête internationale indépendante. Le 4 octobre 2023, la mission d’experts mise en place par l’ONU pour enquêter sur les crimes commis au Tigré a été suspendue, renforçant ainsi l’impunité du Gouvernement éthiopien dans ce conflit qui s’est déroulé loin des regards, et paraît déjà oublié par la communauté internationale malgré son ampleur.

Pour visionner le reportage complet, rendez-vous ici sur le site de l’agence Zeppelin.