Mektoub, portraits of Moroccan workers

ENGLISH :

Morocco is a working country. Life is bustling with life in the streets of city centers. The sounds and smells confuse the senses of a stroller. Taxis backfire, mechanics fix engines on the sidewalk, vegetable sellers shout prices at people passing by, as crowds come and go in the souks. In this country where informal work is estimated at 36 percent of non-agricultural employment [1], most of the population earns their daily living through manual labor.

In our dematerialized world, working is becoming more and more synonymous with being in front of a computer every day. Manual work is often less well regarded than work done with modern technics, and poorly rewarded. However it is these workers who make the world in which we are, through their concrete actions on reality. For them, daily labor is often equal with fate. Thus, many men do the work that their father did before them and will pass it on to their sons, while many women are confined to the domestic sphere, to the kitchen, to the education of children, as their mothers often did before.

Moroccan society is currently undergoing profound social and economic transformations. The pervasiveness of the internet creates an unprecedented openness to the world, accompanied by a questioning of traditional values. Little by little, in the new towns, large companies took precedence over small artisans. This know-how, which makes societies becoming autonomous, is in danger. Big supermarkets tend to replace small grocery stores and souks; the changes observed in Europe more than fifty years ago are now taking place step by step in Morocco as well.

Through this photographic project, I tried to depict the daily life of Moroccan workers while I was traveling across the country. The current Covid-19 crisis, during which this report has been created, has made those workers more vulnerable, as it has exposed the weaknesses of an economic system on which they heavily depend. It is these peasants, fishermen, housekeepers, construction workers, artisans, merchants, shepherds, and more, who make this country the way it is. They did not always choose their jobs and often live in precarious conditions. With these portraits I would like to honor them and their work.

[1] Haut-Commissariat au plan, 2020

 

 

FRANÇAIS :

Le Maroc est un pays qui s’affaire. Dans les rues des centres-villes, la vie grouille. Les sons et les odeurs déroutent les sens du flâneur. Les taxis pétaradent, les mécaniciens réparent les moteurs sur le trottoir, les vendeurs de légumes crient les prix aux passants, alors que la foule va et vient dans les souks. Dans ce pays où le travail informel est estimé à trente-six pourcents de l’emploi non agricole[1], une majorité de la population gagne son pain quotidien grâce à une activité manuelle.

Dans notre monde qui se dématérialise, travailler devient chaque jour un peu plus synonyme d’être face à un ordinateur. Le travail manuel est souvent moins bien considéré que celui effectué à travers un écran, et mal récompensé. Pourtant, ce sont ces travailleurs qui font le monde dans lequel nous sommes, à travers leurs actions concrètes sur le réel. Pour eux, le labeur effectué quotidiennement est souvent assimilé au destin et à la fatalité.  Ainsi, beaucoup d’hommes font le travail que leur père effectuait avant eux et le transmettront à leurs fils, tandis que de nombreuses femmes sont cantonnées à la sphère domestique, à la cuisine, à l’éducation des enfants, comme souvent leurs mères avant elles.

À l’heure actuelle, la société marocaine subit de profondes transformations sociales et économiques. L’omniprésence d’internet crée une ouverture sur le monde sans précédent, qui s’accompagne d’une remise en question des valeurs traditionnelles. Peu à peu dans les nouvelles villes, les grandes entreprises prennent le pas sur les petits artisans. Ces savoir-faire, qui sont propres à rendre les sociétés autonomes, sont en perdition. Peu à peu, les supermarchés et les zones commerciales tendent à remplacer les épiceries et les souks.

À travers ce projet photographique, j’ai tenté de dépeindre le quotidien des travailleurs marocains en sillonnant le pays. La crise actuelle du Covid-19, pendant laquelle ce reportage a été effectué, les a rendus plus vulnérables, car elle a révélé les fragilités d’un système économique dont ils sont grandement dépendants. Ce sont ces paysans, pêcheurs, femmes de ménage, ouvriers du bâtiment, artisans, marchands, bergers, et d’autres encore, qui font ce pays tel qu’il est. Ils n’ont pas toujours choisi leur emploi et vivent souvent dans des conditions précaires. C’est à eux que je souhaite rendre hommage à travers ces portraits.

[1] Haut-Commissariat au plan, 2020